"ça me va !" ou les défis du relatif

L’homo oeconomicus est notamment décrit par sa volonté et ses capacités de maximisation sous contrainte. Cette représentation fait la joie des mathématiciens qui trouvent en elle de quoi alimenter leur compétence calculatoire. Surtout, cette logique d’optimisation revient en fin de compte à une poursuite d’absolu du résultat au sens où, une fois les termes du problème posé, la réflexion ne porte pas sur celui-ci mais sur le processus, la démarche de calcul pour y parvenir (elle-même d’ailleurs fortement normalisée par l’usage de « bibliothèques » de méthodes d’optimisation). Une démarche à laquelle appartient le si familier « en faire toujours plus  avec  toujours moins ».

La question est tout à fait différente quand il s’agit de parler du Peu. Ce terme ne peut en effet se comprendre qu’à travers les notions implicites qui gravitent autour de lui, parmi lesquels « assez », « suffisant », « satisfaisant », « adéquat » voire « pertinent ». Or, ces notions mettent l’accent sur le caractère éminemment contextuel de la situation et, plus précisément, sur des objectifs qui font constamment discussion. Discussion de soi à soi quand nous nous demandons si nous en avons fait assez ou suffisamment, si nous sommes satisfaits de tel achat ou telle réalisation, de soi à autrui quand notre « adéquat » se frotte à celui de nos collègues et/ou ami(e)s… Il n’y dès lors plus accord de fait sur une solution « optimale » donc indiscutable, mais nécessité de s’écouter (soi-même comme les autres) et de s’entendre. Nos mathématiciens ne peuvent plus travailler en paix une fois les conditions initiales fixées puisque ce qui est visé devient relatif, s’ajustant au gré d’une perception de la situation dynamique qui rend difficile une estimation stable des attentes. Ça me rappelle ces moments « d’angoisse » chez le fromager me demandant si « ça me va, cette petite tranche de Comté ?» ou, pire, le coiffeur m’interrogeant, parfois trop tard, miroir à la main, sur la longueur de la coupe (sic).