L'Equateur et ses solutions pour une autre croissance

Publié le par Virginie Monvoisin

Depuis 3 ans, le gouvernement équatorien fait le tour des grandes capitales occidentales avec un projet hors norme en poche, le projet Yasuni. L’idée est simple : l’Equateur propose de renoncer à l’exploitation d’un nouveau gisement de pétrole brut en échange d’une compensation financière versée par les pays développés.


Rappelons la configuration dans laquelle se trouve ce petit pays d’Amérique Latine situé entre l’Amazonie, les Andes et le Pacifique. Longtemps en proie à l’instabilité économique et politique, l’Equateur peut maintenant compter sur son économie dollarisée et soutenue par les exportations de matières premières comme le pétrole mais aussi les bananes, le cacao ou les fleurs. Le gouvernement actuel semble faire preuve de stabilité et apte à mettre en œuvre un très grand nombre de réformes toutes plus innovantes les unes que les autres et cassant les approches habituelles.


Le projet Yasuni en fait partie. Les objectifs du président Correa, économiste de formation, sont multiples : préserver la forêt et les tribus souvent dernières représentantes de leurs ethnies, préserver la biodiversité particulière par sa richesse de la zone du gisement, assurer l’entrée de capitaux pour le pays et dépasser le modèle de développement économique fondé sur l’exploitation d’une ressource non renouvelable.

Cela interroge à plus d'un titre la vision standard des économistes. Premièrement ce projet remet en cause de nombreux fondements relatifs à la théorie de la valeur et à la mesure des biens : en effet, l'Equateur propose de donner une valeur à sa forêt et à sa biodiversité alors que sur le papier, selon les économistes, un bien naturel n'a pas de valeur puisqu'il ne nécessite pas l'intervention humaine et la création de valeur.
Deuxièmement, le projet Yasuni modifie la relation Nord-Sud selon un angle dont l'économie du peu se fait écho. Correa rappelle leurs responsabilités aux pays occidentaux ; alors qu'ils doivent leur développement à l'exploitation massive et irraisonnée des matières premières, ils exigent à présent que les pays émergents modèrent leurs propres consommations. L'Equateur est prêt à accepter mais à condition d'être dédommagé car en renonçant au modèle imposé par les pays développés, qui consisterait à exploiter le gisement de pétrole, il renonce à une manne financière énorme pour ce petit pays.
Troisièmement, ce renoncement sous-entend implicitement que l'Equateur doit renoncer également à un modèle de développement polluant et énergivore puisqu'il met en avant des arguments environnementaux pour faire accepter son projet. Ici, le gouvernement serait donc tenu à respecter ses engagements.
Quatrièmement, et de façon peut-être pas si anecdotique que cela, les dirigeants équatoriens font preuve d'une créativité et d'une adaptabilité hors pair. L'idée du projet était vague et très générale. Ils se sont ensuite adaptés aux exigences des pays succeptibles de les financer. Contrairement aux procédures habituelles, ils ont très clairement construit et bricoler l'accord au fur et à mesure des rencontres et des critiques.

Ce projet a peu de chance d'effectivement fonctionner, les rigidités sont nombreuses, mais il n'a pas fini de soulever des questions chez les économistes.

Publié dans Croissance

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