Croissance… Une question de sémantique ?
Depuis 2 ans et le déclenchement de la crise, plus que jamais se télescopent des positions très différentes concernant la croissance. D’abord, la crise a crée en creux un besoin de croissance que tout gouvernement cherche à relancer. Ensuite, une prise de conscience récente relative aux questions environnementales notamment tend à nuancer la notion croissance. Elle peut être remise en cause par les tenants de la décroissance, elle peut être l’objet d’un renouveau écologique grâce à la « croissance verte » par exemple. Enfin, les pays émergents affichent une croissance insolente, et ce en dépit de la crise mondiale et de considérations sociales, politiques ou environnementales.
Mais de quoi parle-t-on exactement ? Traditionnellement, les manuels d’économie – et ce à partir du secondaire – opposent la croissance au développement. La première est avant tout quantitative : F. Perroux explique très bien qu’elle est relative à un indicateur de dimension (le PIB). Cela lui permet de traiter de l’objet qui l’intéresse réellement, le développement puisqu’il fait référence à des changements qualitatifs et structurels de la société. Au lendemain de la guerre, les économistes ont donc longuement débattu autour des théories de la croissance d’un coté, et des théories du développement de l’autre – même s’il existait des porosités entre les deux champs d’analyse.
Depuis les années 2000, les modèles de croissance semblent être peu efficaces et les théories du développement semblent être abandonnées. Plus précisément, les économistes cherchent de nouveaux ressorts pour la croissance. Pour résumer, ces ressorts relèvent avant tout de considérations qualitatives : on préférera étudier le capital humain et les compétences que le facteur travail au sens strict ; on s’intéressera au progrès technique plutôt qu’aux gains de productivité. Par ailleurs, les objectifs sont grandement révisés : la croissance au service de l’écologie, d’un nouveau modèle de société…
Ainsi, tout en ne parlant plus de développement, les économistes abordent de plus en plus la croissance par un biais qualificatif pourtant propre à ce premier. Le rapprochement de la « croissance » et du « développement » n’est pas un problème en soi. On ne peut que se féliciter du fait que les économistes se posent des questions sur la finalité de la mécanique économique. En revanche, subsiste une question d’importance, quel est le taux de croissance socialement acceptable – la question quantitative restant quoiqu’il arrive d’actualité au moment où le chômage s’intensifie, que des bidonvilles font leur réapparition et que des entreprises continuent à fermer. Là, les positions restent tranchées : soit les agents recherchent un optimum et donc la croissance la plus forte possible est toujours souhaitable, soit il faut envisager de se passer de la croissance. Ici, nulle nuance et nulle raison.
Ne peut-on imaginer une croissance satisfaisante au sens fort du terme ? La question n’a toujours pas de réponse.